[Arrivant d'ici]

Lucas posa sa moto non loin de son rendez-vous et s'avança vers les quais, cherchant du regard Valèrian. Il marcha un moment les mains dans les poches, regardant les quelques personnes qui marchaient encore à cette heure plus que tardive ou très matinale. Après un bref regard vers le ciel et un soupir à fendre l'âme, il vit la personne qu'il cherchait et s'approcha d'elle d'un pas décidé.

'' Salut !! Je te remercie d'avoir fait aussi vite Val. ''

'' À charge de revanche gamin !! Bon j'ai le matos, t'as le blé ? ''

'' Justement, on se connaît et j'ai pensé que tu pouvais me faire une petite avance. Je dois récupérer une somme intéressante bientôt et évidemment je te ferais directement profiter de ça. ''

'' Non mais attends là, tu viens de me faire venir à l'arrache et en plus tu me demandes de te faire une avance ? '' Il se mit gentiment à rire, comme pour se moquer. '' Enfin gamin t'es pas sérieux, tu me connais, je préfère quand tout est réglo, direct ! Je n'aimerais pas devoir te faire cracher la somme comme mes autres clients. ''

'' Allons Val !! Quand je dis que je dois récupérer des sommes, je parle d'acheteurs évidemment. Dis-toi qu'à travers moi tu pourrais te faire une nouvelle clientèle. '' Préférant ne pas trop pousser cet argument, Lucas ferma la bouche et attendit que son interlocuteur est fini de peser le pour et le contre.

Après un long temps de réflexion, Valèrian fusilla Lucas du regard et reprit. '' Il n'est pas bon pour les gamins d'avoir trop de cervelle, mais il est vrai que je vais pas cracher sur quelques clients de plus. T'as pas intérêt à t'imaginer recevoir une quelconque commission de ma part !! Faut pas rêver !! '' Le malfrat se rembrunit, de toute évidence il était partagé entre l'idée d'avoir plus de clients, plus de ventes et ainsi plus d'argent et le fait qu'il lui faudrait faire avec un intermédiaire.

Lucas lui fit un sourire amusé et attendit sans prononcer un mot. Tout l'art de manipuler les gens résidait souvent entre reconnaître les moments où il fallait appuyer une idée et les moments où il fallait se taire. Une légère tension s'empara tout de même de lui quand le silence s'éternisa, mais il se décontracta quand la voix de Valèrian se fit à nouveaux entendre.

'' OK !! J'espère que tes acheteurs sont plein aux as !! Et qu'ils sont assez gourmand pour commander souvent !! ''

Content de lui-même et de plus en plus amusé par la situation, Lucas lui répondit avec humour. '' Je crois que si tu me proposes autres choses que des baïonnettes, ça devrait le faire... ''

Un grognement lui répondit et Lucas s'autorisa un léger pouffement. Valèrian ne chercha pas à se justifier et il reprit la parole, plus serein que les minutes précédentes. '' J'ai déposé le paquet un peu plus loin, sous un banc.'' Il fit un mouvement de tête pour indiquer le supposé banc et reprit. '' Quant à ton paiement, je te donne jusqu'à mercredi pour qu'on se fixe un rendez-vous et que tu me donnes la somme totale ! Fait gaffe de pas me prendre pour un con sur ce coup-là, tu pourrais le regretter ! ''

Plus sérieux pour ne pas vexer son ami, Lucas lui répondit avec la voix la plus neutre possible. '' Tu dois souvent l'entendre, mais tu as ma parole que je te paye dès que possible. ''

Un ricanement lui répondit et après s'être frotté le nez, Valèrian reprit sur le ton de la confidence '' T'as même pas idée gamin, le nombre de gueule que j'ai dû remettre droite pour bien me faire comprendre. Enfin, j'imagine que tu n'es pas de la même espèce. '' Jetant des regards autour de lui, l'homme fourra ses mains dans ses poches et courba les épaules. '' Ça caille !! Je te laisse à tes affaires !! À plus gamin et fait pas trop de bêtises !! ''

'' À plus Val, ou devrais-je dire à très bientôt... Encore merci à toi ! ''

L'homme s'éloigna nonchalamment le long des quais de scène et Lucas ne chercha pas à le suivre. Il prit son paquet de cigarette dans sa veste de moto et s'en alluma une tout en regardant l'eau qui s'écoulait paisiblement. Il vérifia que personne ne se trouvait dans la zone et prit la direction du banc. Arrivé devant, il écrasa sa cigarette sous son talon et en profita pour simuler un lacet défait. S'accroupissant pour refaire le noeud, il inspecta le dessous du banc et récupéra le paquet de papier kraft qui s'y trouvait. Il le cala sous son bras et décida de rejoindre sa moto pas un chemin différent du précédant, prenant de petites rues plutôt que les larges avenues.
Il enfourcha sa moto, calant le paquet dans sa veste et rejoignit le point de rendez-vous où l'attendaient ses frères.

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