Philippe, comme toujours, s'éveilla tardivement. Assis sur le confortable fauteuil d'Heinrich, et de toute façon étant imperméable aux courbatures, c'était son endroit favori pour passer la journée.

Presque au moment où il ouvrait les yeux, le téléphone sonna.
C'était la goule d'Alice, qui semblait annoncer une amélioration de son état.
Aussitôt, le pseudo-enfant quitta le bureau, non sans l'avoir fermé à clef, et grimpa 4 à 4 à l'étage supérieur pour rejoindre la chambre qu'il avait demandée pour sa protégée.

Là

Depuis la chambre d'Alice.

Un temps de retard pour le titre. Philippe ne s'offusqua pas. Au moins, le Perlezac n'avait pas ouvert des yeux comme des soucoupes en demandant où se trouvait le primogène...
Tout en marchant, il répondit à Agrael :

Oui, Alice devrait se remettre vite, maintenant qu'elle est sortie de torpeur. Je suppose qu'elle sera ravie de faire la connaissance d'un nouveau camarade de clan.

Philippe précéda le nouveau depuis le deuxième étage jusqu'à son bureau, qu'il déverrouilla avant de l'inviter à rentrer.
A vrai dire, chemin faisant, une idée revenait sans cesse. Ce prénom lui parlait vraiment, il n'était pas sûr que cet homme soit réellement un nouvel arrivant...
Pourquoi donc ce nom lui était familier...?
Ah mais oui !! Agrael, bien sûr ! Le mec qui avait le même nom que l'elfe/démon plutôt cool de Heroes of Might and Magic !
Ce nom l'avait fait tiquer lorsqu'il était tombé sur un rapport, dans les rares notes qu'Heinrich avait laissées. Il avait cru à un pseudo. D'ailleurs, c'en était certainement un.

Vous n'êtes pas vraiment nouveau à Paris, n'est-ce pas ?

Les chances pour qu'il y ait deux gars avec un pseudo aussi farfelu étaient quand même drôlement minces.

Agrael suivit son primogène dans son bureau, et resta debout devant lui. Il avait tant de questions à poser, aucune ne parvenait à franchir ses lèvres.

" - Hé bien, je vais vous expliquer. En effet, je ne suis pas nouveau. Durant des années, ma mission principale était de surveiller les mouvements du Sabbat, de noter la moindre anomalie, et de faire un rapport mensuel à Heinrich.
Vous ne devez pas avoir beaucoup de traces de moi sous le nom d' Agrael de Perlezac, je signais mes rapports sous le pseudo de "la Belette".
Ensuite, au mois de janvier, la reine m' a demandé d' aller en visite protocolaire à Rome, et le prince de Rome m' a accueillit. Mais deux nuits à peine après mon arrivée, l' Elyseum Romain a été attaqué par une troupe du Sabbat.
Pendant plusieurs nuits, j' ai aidé les Camaristes à débusquer des Lasombras de combat, grâce à auspex.
J' ai été grièvement blessé, et le prince de Rome m' a hébergé, le temps que je me remette. J' y suis resté jusqu' à hier, ou j' ai pris un vol de nuit pour Paris, avec les documents que la reine avait sollicité, et une lettre de remerciement du prince de Rome. Tout est chez le prince, je me suis présenté à lui. Voilà..."

Agrael se rendit compte qu' il avait parlé, maintenant, il resta stoique, il avait des questions en tête, mais n' arrivait toujours pas à les formuler. Si, une, évidente :

" - Savez vous ce qu' il est advenu d' Heinrich ? Il m' avait prêté 100 euros, j' aimerai les rendre."

Philippe écouta Agrael avec attention. D'un geste, il l'invita à s'asseoir, et il se percha lui-même, comme à son habitude, sur l'accoudoir du fauteuil massif et confortable. Cela lui permettait de ne pas disparaître à demi derrière le bureau...

Le surnom de la belette ne lui disait pas grand-chose... En même temps, il semblait qu'Heinrich ait été à peine paranoïaque, et n'ait conservé que très peu de papiers dans le bureau du Louvres. Mais il était sûr d'avoir vu Agrael quelque part.

Le fait que la reine ait confié une mission à Agrael, et que ce dernier ait servi d'espion régulier à Paris semblait signifier qu'il était un homme fiable. C'était un soulagement de ne pas hériter d'un poussin de plus...
Il conclut l'exposé de Perlezac d'un :

Hé bien, bon retour à Paris, et content que vous soyez remis de vos blessures.

Le petit primogène eut un haussement d'épaule très léger, mais significatif.

J'ignore où il se trouve, les circonstances de son départ ne m'ayant pas incité à m'intéresser au personnage.
Toutefois, il parait qu'il répond parfois au téléphone, aussi, je vous engage à tenter votre chance...

Agrael s' asseya, et croisa les jambes. Il réfléchit, et mit ses mains jointes devant sa bouche. Puis il demanda au primogène :

" - Qu' est il advenu de la reine ? Je l' ai trouvée fort sombre, avant mon départ."

Agrael regarda l' enfant primogène et semblait un peu gêné. Ce n' était pas le premier enfant vampire qu' il voyait, mais à chaque fois il se demandait quel fou pouvait engendrer des infants aussi jeunes (de corps).
Puis, il se redressa, et dit à son primogène :

" - Ha oui, étant arrivé depuis hier seulement à Paris, pourrai je utiliser le refuge du clan, s' il vous plait ? "

Agrael avait juste à reprendre une valise, à la consigne à l' aéroport. Une valise contenant des vêtements bien sûr, mais aussi quelques souvenirs précieux à ses yeux.
Il attendit sagement les réponses de son primogène. Il se détendit un peu...

Attentif, Philippe voyait différentes émotions défiler chez Agrael. Parti voici trois mois révolus, il revenait dans un univers aussi changé que Tchernobyl avant et après la catastrophe...
L'incroyable chaos qui avait permis au petit primogène de sortir de son trou pouvait par contre déplaire au revenant. Il prit donc la peine de lui expliquer :

J'ignore ce qui la rendait sombre, mais vers la mi-février, elle a été prise à parti par son primogénat sous le prétexte d'incompétence. Cela s'est mal passé, et après avoir provoqué la mort ultime d'un archonte, elle a été chassée de son poste par une justicar. Depuis, elle a été lourdement soupçonnée d'infernalisme.

Il laissa un court blanc pour laisser à son interlocuteur le temps d'assimiler l'information, avant de continuer :

Le poste de bourgmestre a été supprimé. Les Sollers ayant quitté la ville en masse, nous n'avons pas actuellement de Prévôt, et le Fléau est un Gangrel s'appelant Julien.
La Sénéchale Boniface a été tuée par une Sethite, remplacée par une Brujah du nom de Fey, qui ne donne plus de nouvelles depuis quelques temps. Monsieur d'Arcy a été grièvement blessé lors de la tentative de sauvetage de sa consoeur, et durant sa torpeur, il a été remplacé par un Brujah : Balthazar. Qui a inauguré un second Elyseum, peu fréquenté, dans la zone du Carrefour.
Quand au primogénat... Je crains que vous ne retrouviez pas grand-chose de familier entre votre départ et votre retour.
A part madame Schmitt. La chronique de l'ombre est toujours disponible dans le petit salon.

Pour le refuge, l'ex-Sénéchale, lors de son enlèvement, en a révélé l'emplacement à la Sethite. Depuis, plus aucun malkavien ne s'y rend. Je vous déconseille également d'y aller.

La tradition d'accueil de l'Elyseum étant ce qu'elle était, il ne fit pas l'insulte à Agrael de lui rappeler qu'il pouvait toujours demander à y être accueilli le temps de vérifier son ancien refuge, ou de s'en trouver un nouveau.

Cela fait également deux membres du clan qui se sont fait assassiner sur une courte période. Non présentés, certes, mais peu importe. Je vous recommande la plus grande prudence, et si vous n'êtes pas hostile à faire équipe, à veiller sur un binôme qui veillera sur vous.
Actuellement le clan compte Alice Claudel, Thomas Bellanger et moi-même. Ceux que vous connaissiez éventuellement ont quitté la ville pour des raisons diverses.

Il essayait d'être concis, mais on ne conte pas trois mois de valse, de sang et de folie en deux phrases... Surtout qu'au fond, il n'était entré dans le jeu que depuis une dizaine de jours.
S'il avait su que le poste de primogène exigeait autant de paroles, il aurait peut-être hésité avant de se présenter. Ou du moins, il n'aurait pas été aussi satisfait de son élection. Bon, en même temps, le challenge n'avait pas été bien grand, entre des néonates paumés et des cas cliniques, il n'y avait pas eu trente-six choix de primogène possible.
Au fond, les seuls moments reposants étaient les réunions du primogénat, puisque le prince prenait ses décisions au mépris de l'avis de ses primogènes, et qu'il n'était donc pas nécessaire de l'exprimer.

Au-delà de ses pensées qui vaquaient au fond de son esprit, Philippe restait attentif à son interlocuteur, observant ses réactions et prêt à répondre à ses questions.

Agrael écoutait le primogène avec attention, il savait donc que ce refuge était à éviter.

" - C' est le risque avec un refuge de clan..." lacha t' il

Ensuite, il dit, après avoir passé sa main dans ses cheveux, le visage circonspect :

" - C' était donc ça, les stries dans son aura..." Agrael parlait de la reine, bien sûr

" - La reine, infernaliste... Une rose, qui l' eut cru. Monsieur d' Arcy est blessé ? Mon Dieu, le pauvre, lui qui est si rigoureux sur l' étiquette. Hé bien ! En voilà, des nouvelles assomantes, dites moi. Bon, je vais devoir demander une chambre ici, au Louvre...Je n' ai plus de questions. Avez vous besoin de moi, monsieur le primogène, ou puis je disposer ? "

Agrael tenta de sourire, mais ses muscles semblaient coincés. Il faut dire qu' il n' avait plus ri depuis 20 ans et les seuls rires qu' il avait en tête étaient ceux de ses enfants et de son épouse...

Oui, à commercer avec des démons, autant se permettre la diablerie... Tant qu'à faire les choses mal, autant les faire jusqu'au bout... Toutefois, le petit primogène ne fit pas de commentaires sur la réflexion d'Agrael.

Philippe se demanda quel âge avait Agrael. Il montrait des expressions, mais pas tant que cela. Et il encaissait bien. Mais il y avait une certaine tristesse aussi, chez lui, alors que la majorité des super vieux qu'il avait pu observer semblaient ne jamais ressentir grand-chose.

Avant que vous ne partiez, j'aimerais que vous me laissiez un moyen de vous joindre.

Le pseudo-enfant enregistra de tête la réponse de Perlezac, tout en se penchant souplement pour attraper un stylo sur le bureau sans quitter son accoudoir, et griffonna sur un bloc-note.
Puis il descendit de son perchoir et contourna le bureau, pour donner le papier à Agrael. Il contenait les prénoms des malkaviens présents sur Paris, et leurs numéros de téléphone. Celui de Philippe était un numéro fixe.

Je vous souhaite une bonne fin de nuit.

Agrael donna sa carte, ho, humble petit bristol blanc ou était inscrit le numéro de son portable, son nom et son prénom, rien de prétentieux.
Il accepta le papier du primogène, puis se leva et le salua, puis lui dit :

" - Merci de m' avoir accordé un peu de votre temps... Bonne nuit monsieur."

Agrael prit la poignée de porte dans sa main, puis dit simplement :

" - Si vous avez besoin de moi, je serai dans le petit salon, monsieur."

Puis il ouvrit la porte, salua une dernière fois le primogène, et s' en alla. Il referma la porte, puis s' en alla vers la petit salon...

Philippe salua également Agrael lorsqu'il quitta son bureau.

Il mémorisa le numéro du nouveau venu, et rangea sa carte dans le tiroir réservé à cet effet.

Puis il alla s'installer dans le canapé, et ressortit son téléphone pour consulter ses messages.
L'ennui des machins volés, c'est qu'il n'y avait pas le chargeur avec, et que sans compter la prudence, il ne pouvait pas les garder longtemps.
Tout ça parce qu'un gniard n'a pas le droit de s'acheter un téléphone en bonne et due forme. Vivement qu'il se trouve une goule.
Ou qu'il apprenne à se servir d'internet et qu'il se forge une fausse identité. On pouvait faire plein de trucs sur internet.
Même chasser apparemment...

HRP:

Les petits pas caractéristiques d'Alice avaient précédé son arrivée. Philippe l'invita à rentrer, satisfait qu'elle se soit levée si vite.

La tornade miniature fit son office, et le petit primogène y répondit de son mieux.
Il désigna son bureau, sur lequel s'empilaient dans le coin gauche, bien rangés, les exemplaires des Chroniques de Cathy, le plus récent sur le dessus.
Lui aussi aimait bien les lire. Il avait même parfois l'impression qu'il en apprenait plus dedans qu'en fréquentant les semblables...

Sers-toi.

Il eut un mince sourire au compliment de sa protégée.

Je m’entraîne beaucoup. Mais si tu as un portable que je puisse garder pour de bon, ce sera vraiment avec plaisir.

Il profita de l'éveil plein et entier d'Alice pour l'informer des changements qui avaient eu lieu pendant sa brève torpeur. Il montra l'écran de son appareil pour que la jeune femme puisse lire le sms commun des deux zozos et enchaîna :

Lucas et Hadrien sont contents que tu sois réveillée.
Ils sont partis avant-hier du côté de Lyon pour rejoindre le Sire de Lucas, et y suivre une formation digne de ce nom.
Charles, lui, est parti en croisière avec son troupeau. C'était quelque chose de les voir partir...
Quand à Agrael, que tu as vu tout à l'heure dans ta chambre, il était sur Paris l'année dernière, et vient juste de revenir d'Italie.
Thomas ne répond pas à mes appels depuis qu'il est parti dans le 12eme, hier matin. Je vais aller le chercher.

Cela ne se voyait pas forcément, mais Philippe était très inquiet pour son infant. Il était impensable que ce dernier ait oublié de recharger son appareil, et le fait qu'il ne réponde pas, ni n'ait donné de nouvelles depuis l'aube dernière, était mauvais. Très mauvais.

Philippe contempla, depuis son calme habituel, la charmante mini tornade s'agiter.
Il s'attacha à répondre à ses questions :

Normalement, l'étape qui sépare l'Etreinte de la libération officielle dure plusieurs années.
Mais en dehors de cela, je ne crois pas qu'ils reviendront avant que Paris ne soit redevenu stable et sûr.

Il était conscient que pour Alice, l'apprentissage avait été tronqué, ayant perdu son Sire très tôt. Mais elle apprenait également très vite. Elle pallierait sans doute aux lacunes d'elle-même. Et puis il était là pour veiller sur elle.
Quand aux deux zozos, ils étaient clairement partis à cause du danger. Il ne pensait pas qu'ils reviendraient de sitôt...

Il conclut avec un mince sourire :

Ceci dit, ils restent joignables. Lyon n'est pas le bout du monde.


Le pseudo-enfant observa l'échec de l'appel de sa protégée. C'était une bonne idée de faire un bêta-test.
Plongeant lui aussi ses yeux pâles dans ceux qu'Alice posait sur lui, il prononça lentement.

Tu es très réceptive, et douée en Auspex. Et même, tu es une prophétesse.
Que te dit ton intuition ?
Moi, elle me dit que quelqu'un d'aussi rigoureux que Thomas n'a pas oublié son portable, ou négligé de le recharger.

Ne voulant pas jouer à l'oiseau de mauvais augure, même s'il savait pertinemment que son problème Malkavien ne comprenait pas la paranoïa, il enchaîna :

Je vais voir si Agrael veut bien m'accompagner, sinon, je demanderai à une goule.
Je ne peux que te conseiller de rester avec ton ami métalleux durant votre chasse, et de te montrer prudente ensuite.

Il ne s'inquiétait pas trop sur les capacités d'Alice pour savoir si elle était suivie ou non. Elle était largement assez puissante pour faire office de radar.
Et elle avait au moins une goule pour veiller sur elle dans son Refuge.

L'intuition était l'un des avantages et désavantages du clan de la Lune, et menait à la capacité à n'être quasiment jamais surpris...

La mini tornade, soudain un peu moins gaie, prit congé sur une dernière amusante question.
Philippe savait où habitait Thomas uniquement parce qu'il avait regardé dans l'annuaire. Thomas n'avait pas eu l'occasion de le lui dire, et c'étaient Lucas et Hadrien qui l'avaient accompagné chez lui la dernière fois...

- Il est dans le douzième.

Il lui précisa l'adresse exacte avant d'attraper sa gabardine, les clefs du bureau et de suivre Alice en fermant la porte.
Il accompagna la jeune femme jusqu'au petit salon, espérant y trouver Agrael.

Petit salon, donc