Il y a, à Nogent, au croisement de la Grand-Rue et de la rue de Beauté, un petit pavillon avec une courette fermée par une grande double porte verte, et un magasin dont la vitrine signale qu'il est fermé.
Vient de làGatien gara sa moto dans une rue adjacente et vint à pied pour ouvrir la petite porte découpée dans le ventail de gauche.
Il avait les clefs, après tout, c'était là où il avait vécu la plus grande partie de son existence...
Que de souvenirs dans ce pavillon...
De la musique, des rires et des larmes, et surtout des tonnes d'amour. Une vie de famille comme il n'en aurait plus.
Il y logeait actuellement Albrecht et Rosa, mais avait prévenu les membres de sa famille que s'ils souhaitaient venir, les étages avaient été conservés comme dans le temps.
Il entra sans faire de bruit, refermant derrière lui, et passa dans la petite bibliothèque qui servait de chambre à ses amis.
C'était terrible de les appeler "calices". Tout comme de parler de l'humanité en utilisant le terme de "bétail". Mais peut-être les vieux vampires avaient-ils besoin de se détacher du monde pour se supporter eux-même, qui sait...
Le jeune Ventrue regarda dormir les deux petits vieux, tournés l'un vers l'autre et dont les mains se rejoignaient presque. Il y avait quelque chose de merveilleusement reposant à les voir assoupis ainsi.
Il profita donc du moment, et de la lumière orange des lampadaires jouant sur leurs visages avec celle, plus vive, des phares qui passaient.
Finalement, il leur prit un peu de sang à tous les deux, refermant avec soin les piqûres de ses dents, et passa dans le salon où il s'installa dans un fauteuil.
D'habitude, il écoutait de la musique, mais là, il se contenta de regarder la pièce, sentir les odeurs familières, écouter le tic-tac de la grande horloge à pendule et suivre le démarrage régulier des voitures qui s'arrêtaient au feu rouge tout proche.