(Venant d'ici.)

Victor entra à la suite d'Orane dans la pièce. Tandis qu'elle enfilait une blouse, le regard du jeune Trémère se dirigea vers la Gargouille qui patientait.

Il ne pouvait pas s'empêcher de la détailler des pieds à la tête, réellement fasciné. Certes, on ne pouvait pas dire que la créature était, disons, de rêve, mais si elle ne pouvait en aucun pas passer pour un être humain, un peu à l'instar des Nofératus, il n'en demeurait pas moins que, contrairement aux membres de ce clan, elle avait sa propre esthétique, faisant d'elle à la fois une horreur et une beauté...

Constatant qu'Orane le regardait d'un air interrogatif, il recentra son attention sur elle, prêt à écouter tel un élève, sérieux, face à un professeur.

"Puis-je vous être utile en vous assistant d'une quelconque façon ?" demanda-t-il simplement, bien que légèrement hésitant en raison de son manque total de connaissance sur le sujet.

"Je ne suis en effet pas au courant de votre parcours, mais cela aurait... inconvenant, je dirai, que de m'être renseigné ainsi sur vous. Et je pense que notre Régent dispose de cette même élégance consistant à ne pas parler des affaires privées de ses "étudiants".

Il n'en reste pas moins évident que votre parcours m'intrigue, surtout après avoir posé la question sur un ton tel étudié pour susciter volontairement l'intérêt" dit-il un air un peu espiègle, avant de reprendre plus sérieusement :

"Si vous souhaitez m'en faire part, je serai honoré d'être à votre écoute" termina-t-il avec une réelle douceur dans sa voix.


Puis il se tourna vers l'étalage des ustensiles de chirurgie dont disposait la Trémère. S'il avait été compétent dans le domaine, il aurait reconnu, bien rangés et alignés les uns à côtés des autres, des pinces à dissection dite De Bakey et des "pinces à feu" ; diverses pinces plates comme Bengo forte, Bengo, Kelly, Christophe ; des écarteurs autostatique de Gosset ; des ciseaux comme des "Metzenbaum" ou des "Mayo" entres autres instruments comme les valves, les faraboeufs et hartmanns... mais cela, aurait été si il avait eu la moindre compétence dans ce domaine.

Il était toutefois facile de reconnaître des scalpels dans tout cela, aussi, malgré une certaine "dubitativité" (*) qui s'installait peu à peu sur son visage, il s'en saisit d'un, et le tendant avec un air quasiment victorieux, il dit :
"Je n'ai pas trouvé de scalpel, mais ce bistouri fera-t-il l'affaire ?" intrigué évidemment par la sémantique choisie pour désigner l'instrument : la différence entre ces deux mots, pour ce qu'il s'en rappelait, était faible mais significative pour quelqu'un qui aimerait les symboles... or, le symbole est fort ici : un mort-vivant comme un vampire, et donc à fortiori une Gargouille, est-il considéré comme un mort ou un être vivant ?

*A moins que l'explication ne soit bien plus simple,* se dit Victor en s'envoyant une claque mentale... *Orane te ménage car elle doit bien se douter que tu n'es pas dans ton domaine de prédilection.*

Fort de sa réflexion aussi stérile que devait l'être le bistouri qu'il avait en main, il sourit de façon un peu penaude en tendant davantage l'instrument devant lui.

*(NDA : si vous me permettez l'expression)

Tandis qu'elle opérait, Victor écoutait et observait Orane avec attention, tout en se demandant ce que pouvait bien ressentir la Gargouille, de se faire ainsi 'ausculter' à vif.

Il trouva très intéressant ce qu'elle lui révéla sur son domaine d'expertise.

"J'avoue que je ne connaissais pas cette voie," dit-il. "Je me doutais bien que quelque chose dans ce genre pouvait exister, mais cela n'allait pas plus loin que ma supposition."

A sa demande, il saisit la boîte en verre pour qu'elle puisse y poser ses prélèvements. C'était plus simple de trouver le bon ustensile quand vous avez quelqu'un de compétent pour vous le décrire.

"Cela m'a tout l'air assez difficile, non ? J'imagine que pour pouvoir pratiquer cet art, il faut aussi s'y connaître dans bien d'autres domaines que les sciences occultes.

Et vous parliez de domaine "médical". Vous avez donc le pouvoir de modifier certains êtres, comme Katsy, si j'ai bien compris, ce qui en soi est vraiment extraordinaire. Mais pouvez-vous agir sur les nôtres ? En d'autres termes, pour préciser ma question, pouvez-vous aussi soigner les nôtres avec vos capacités ?" demanda-t-il avec beaucoup d'intérêt.

Pour des vampires, un pouvoir de soin, quel qu'il fut, s'il pouvait fonctionner sur eux, cela s'avérerait une vraie bénédiction ; s'il est que le sang permet de se guérir de presque tout, il arrive parfois qu'il vienne à manquer dans certaines situations. Comme quand on est en torpeur. Alors, se dire qu'une tierce personne pourrait vous soigner quand vous êtes dans l'incapacité de le faire vous-même serait extrêmement rassurant.

Elle énuméra un grand nombre de domaines utiles pour pratiquer sa voie. Il s'agissait d'autant de compétences dont elle disposait, et Victor ne pouvait qu'envisager le temps qu'il faudrait passer à étudier pour en acquérir autant... surtout de son point de vue, lui qui n'avait jamais été très doué en biologie (n'est-ce pas Mme Blanchard ???). Bref, sa consœur était pour le moins savante, et pas qu'un peu.


Orane était par ailleurs très lucide sur les capacités et les limites de la voie qu'elle pratiquait. C'était pour Victor un gage d'intelligence et de sagesse. Mais malgré le facteur "temps d'attente", le champ des possibles qui s'offrait à elle devait être conséquent.

"Il ne faut pas aller plus vite que la musique... dit le sage, pour peu qu’il soit un brin mélomane.
Je pense que dans certaines situations, il est nécessaire de prendre son temps. Par exemple, quels que soient les moyens employés, pour créer une vie humaine, il faut 9 mois.

C'est qu'il est toujours plus ardu de construire que de détruire." termina-t-il avec un sourire encourageant.

Elle évoqua un incident survenu avec Aziel, ici, à la Chantrie. Le jeune caïnite n'en avait pas entendu parlé à l'époque. Il écouta l’anecdote avec une attention renouvelée

"Encore une fois, dit-il gentiment, "je ne pense pas que je demanderai à qui que ce soit des renseignements sur vous. Comme je vous l'ai dit, cela manquerait d'élégance" finit-il avec un doux sourire.

"Mais… c’est intrigant, ce que vous venez de dire. Le corps d’Aziel a rejeté l’une de ses disciplines ? Que voulez-vous dire par là ?
Ce peut être important, voyez-vous. Aziel est, si ma mémoire est bonne, en mission délicate en ce moment. Il ne faut pas que cela puisse se renouveler…" puis il sourit. Si l’ancien Fléau avait pu partir en mission, après cela, c’est qu’évidemment…

"Pardonnez-moi. Vous avez réussi à le guérir de ce problème, alors. Vous avez une qualité incroyable."

Puis, Victor s’immobilisa une seconde.
"Tiens, on dirait que M. le Régent souhaite nous voir dans son bureau. Y allons-nous ensemble ?"