Thomas émergea lentement. D'abord une angoisse s'insinua en lui lorsqu'il se souvint, et constata de surcroit, qu'il n'était pas chez lui. Une boule vint se glisser sous sa pomme d'Adam et il eut le sentiment de ne plus pouvoir respirer. Un comble, puisqu'il n'en avait plus besoin. Le jeune homme ferma les yeux. Il fallait qu'il se calme. Paniquer ne ferait qu'aggraver les choses. L'angoisse du réveil s'estompa.

Dépense de sang:

Avant même de se lever il tâcha de concentrer son esprit sur quelque chose afin d'éviter les débordements. Trouver de quoi se laver, même sommairement. Parfait. Voilà qui était un but tout à fait honorable. Il écarta rapidement l'idée séduisante de faire un rapide aller-retour chez lui et préféra tenter une sortie plus sûre : le couloir. Son primogène était encore en torpeur mais il lui laissa un bref mot expliquant qu'il revenait vite. Tachant d'ignorer que sa chemise était froissée, il sortit. Un peu hagard, ne sachant pas véritablement qui chercher, il finit par se faire gentiment aborder par un homme d'une trentaine d'années qui lui demanda s'il cherchait quelque chose, ou peut être quelqu'un.
Thomas sentit une première vague de soulagement l'envahir et un franc sourire éclaira son visage livide. Tachant de ne pas paraitre totalement perdu, il demanda sobrement s'il était possible de trouver un endroit où prendre une douche. Le trentenaire, une goule donc, le guida jusqu'à une chambre à l'étage du dessus. S'il avait su ! Il le remercia et s'activa rapidement à prendre une douche. Certes ses vêtements étaient froissés mais il était propre. Première victoire de la nuit.



C'est donc apaisé qu'il redescendit, les cheveux encore un peu humides mais le visage fendu d'un sourire presque béat. Il prit la direction du bureau de Philippe presque sans hésitation et y parvint tandis qu'une femme frappait à la porte. Derrière l'allure d'une personne qui sensiblement avait sans doute aussi dormit au Louvre, il reconnu Alice. A quelques pas d'elle, il l'interpella gentiment.


Bonsoir Alice.

Encore un peu guilleret du bonheur de sa douche et du sentiment d'être propre, il continua sur sa lancée.

Toi aussi tu as dû dormir ici à ce que je vois.

Il patienta près d'elle qu'on les autorise à entrer. Philippe devait être réveillé. Thomas avait la toute récente habitude de passer pas mal de temps sous la douche.

[-1 point de sang]

Un bruit de coup sur du bois... Répété...
Philippe releva la tête de l'accoudoir du grand fauteuil où il s'était lové. Avec un ensemble qui fit presque un bruit tangible, son cerveau se reconnecta.

"Entrez !"

Il se pencha sur le bureau pour attraper le résumé qu'Alice lui avait écrit et trouva le mot de Thomas.
Il n'eut pas le temps de le lire qu'une Alice toute froissée et un Thomas tout humide rentraient.
Il leur sourit pour les accueillir, et descendit du fauteuil pour aller replier le canapé, histoire qu'ils puissent s'installer au mieux.
Cela lui semblait encore tellement étrange d'être en compagnie de gens... Il n'était pas sûr de bien s'y prendre...

"Bonsoir tous les deux."

Philippe retourna à son bureau une fois le canapé remis en place, la housse bien tirée.
Il lut le résumé d'Alice tout en tendant une oreille à leur conversation. Il enchaina distraitement, après Thomas.

"Ce n'est pas courant. Sauf peut-être pour de la magie. J'ai entendu des rumeurs, non vérifiées, de rituels assez gores. Mais je ne vois pas pourquoi un sorcier prendrait la peine de mordre sa victime...
Le corps que tu as autopsié serait-il accessible, par hasard ?"

Puis il leva les yeux du résumé, les sourcils froncés en réalisant sa familiarité.

"Est-ce qu'on peut se tutoyer, tant qu'on est en privé ?"

Il porta ensuite son attention sur Alice et brandit la feuille.

"Ton résumé est super, Alice, merci beaucoup.
Par contre... Ma pré-prédécesseure est morte, c'est ça ?"

Thomas d'abord pensif vis à vis de la question de son primogène eut un sourire pour lui répondre.

Cela ne me pose aucun problème que vous me tutoyiez. Puis je également vous tutoyer ou bien préférez vous conserver le vouvoiement ?


Le jeune homme avait eu le temps de constater que certains tenaient particulièrement au vouvoiement en toutes circonstances. Autant éviter les gaffes.


Concernant le corps, il est relativement accessible. Disons que je peux personnellement y accéder facilement. Le rendre accessible pour une personne extérieure à l'IML, ce pourrait être faisable en se faisant passer pour sa famille ... Mais ...


Il hésita un instant, espérant ne pas froisser Philippe.


Eh bien disons, ... je vois mal comment faire entrer quelqu'un ayant une apparence enfantine ... Ce n'est généralement pas un lieu où les enfants, même proches des personnes décédées, sont légions. La plupart des familles préfèrent que les enfants voient une dernière fois leur proche une fois que le corps est préparé par une entreprise de pompe funèbre. Cela évite les traumati....

Avec un sourire un peu désolé, et sans s'être départit d'un ton égal durant toute sa prise de parole, Thomas écouta avec attention les remarques d'Alice. Loin de se vexer pour la césure forcée de ses propos. 

Un rituel aztèque...



Il y a un aztèque du temps aztèque à Paris ... ne put s'empècher de relever Thomas à mi-voix.

Il secoua la tête comme pour chasser concrètement toute distraction de ses pensées. Il ferma les yeux, revisualisant son travail sur le corps de la veille.

La poitrine a d'abord été ouverte à l'aide d'un objet tranchant particulièrement bien aiguisé, type dague ou poignard. Le coup a été violent. L'arme devait être de très bonne qualité car elle ne s'est pas brisée ni même effilée. Une côte a été cassée sous l'impact. Il n'est pas rare que les lames de piètre qualité se brisent en butant contre un os, expliqua Thomas. Ensuite, fait encore plus surprenant, la cage thoracique a été "ouverte" à la main. Juste suffisamment pour que le coeur puisse être accessible et soit arraché... à la main. Les différentes artères et veines n'ont pas été tranchées mais bien dilapidées sous la contrainte d'une traction très forte. Contrairement à ce que l'on peut penser, avec toutes les adhérences, les veines et les artères qui sont de véritables tubes de caoutchou, c'est très difficile d'enlever un coeur sans trancher ces "cordages" qui le tiennent à l'intérieur de la poitrine. Il faut une grande force physique.


Le médecin resta pensif un instant. Oui, une grande force physique. Surtout que là, étant donné les lieux, le coupable n'avait pas pu maintenir le corps de la victime le temps de procéder à l'extraction. Et le corps ne portait pas de traces de contusions. On aurait pu imaginer un homme arc-bouté sur sa victime, la maintenant contre le sol de son poids et exercant une traction du coeur hors de la poitrine mais cela ne collait pas avec les éléments qu'il avait trouvé. Selon ses observations, le coupable tenait la victime d'une main et lui arrachait le coeur de l'autre. Un tour de force, au sens propre.

Il hésita à poursuivre mais ajouta tout de même.

J'ai également retrouvé un long cheveu noir appartenant sans doute au coupable.

Bizarrement, Thomas repensa au sourire malsain qu'Hadrien avait eu la veille lorsqu'il avait fait allusion à cette femme dont on avait arraché sauvagement le coeur. Non, son frère ne pouvait pas être mélé à ça ... Il ne l'imaginait pas être bestial et encore moins oser se promener au milieu de prostituées pour faire son choix.

Philippe eut un imperceptible hochement de tête à l'adresse de Thomas.

"Tu peux me tutoyer aussi."

Lorsque Thomas expliqua qu'il aurait du mal à le faire rentrer dans l'institut, Philippe glissa un regard à Alice. Elle, elle pourrait sans doute s'y rendre sans problème... Genre pour identifier le corps... Ce qu'elle pourrait réellement faire, d'ailleurs.


A la réponse d'Alice concernant d'Andrassy, le primogène se creusa la tête. Il se souvenait que le Sire d'Alice était mort, mais Tatiana, c'était plus flou. Il n'avait peut-être tout simplement pas imprimé l'information...
Comme les deux jeunots étaient partis sur l'histoire de sacrifice, il préféra la clôturer avant de passer à autre chose.

"Alice, est-ce que tu te sentirais capable d'aller examiner la victime ? Ainsi, on pourrait avoir directement le fin mot de l'histoire.
J'interrogerai le primogène Gangrel dès que je le croiserai."

A Thomas, il précisa :

"Certains d'entre nous sont capables d'avoir des visions lorsqu'ils touchent quelque chose. Cela leur donne des renseignements : parfois juste un nom, parfois tout un fragment d'histoire."


Puis il passa au sujet qui le troublait et avoua tout simplement.

"Pour Tatiana d'Andrassy, je ne sais pas si les caïnites laissent un fantôme derrière eux après leur mort ultime."

A vrai dire, il espérait que non. Mais si Alice avait suggéré cela dans le compte-rendu, c'est qu'elle en savait probablement plus... Il posa donc son regard pâle sur elle, attentif.


Enfin, il suggéra :

"Thomas, que dirais-tu d'aller te présenter au Prince tant que les autres ne sont pas encore arrivés ?
Je t'accompagne, bien sûr."

Autant battre le fer tant qu'il est chaud, comme on dit. L'occasion se présentait, autant la saisir...
Puis une idée lui vint en tête, et il demanda à Alice une fois que Thomas se fut exprimé :

"Au fait, Alice, est-ce que Charles a fait son boulot, et a veillé sérieusement sur toi ?"

Thomas eut un léger sourire à la réponse de Philippe. Désormais il faudra faire attention à parvenir à le tutoyer en privé. Il écouta ensuite attentivement les explications de son primogène concernant les pouvoirs vampiriques et remercia Alice de sa proposition de lui montrer. Le médecin avait conscience d'avoir de la chance d'être tombé sur des gens aussi protecteurs et ouverts à lui enseigner. Et Thomas était avide d'enseignements.


Le jeune homme réfléchissait aux pouvoirs vampiriques qu'il découvrait au fur et à mesure de la bouche des autres. Pour le moment il n'avait toujours rien expérimenté lui même ... Avait il aussi des capacités ou non ? La question du meurtre passa un peu en second plan dans son esprit. Il songeait plutot au coté pratique du pouvoir qu'on venait de lui décrire, remarquant que cela pourrait l'aider beaucoup dans son travail mais qu'il peinerait sans doute parfois à expliquer ses découvertes. Et puis au final il songea, non sans sourire qu'un tel pouvoir reléguait son art de médecin légiste à l'inutilité.



Son primogène le tira de ses réflexions en l'invitant à aller se présenter au Prince.


Bien sur, répondit il d'emblée.


Puis Thomas eut un regard sur ses vêtements, inquiet.

Je ne fais pas trop négligé pour un tel entretien ? 

Il faisait cependant confiance à Philippe. S'il le lui avait proposé c'est que cela ne devait pas être aussi choquant que le jeune homme le pensait. Il tacha donc de se remémorer les conseils et directives de Philippe.

Philippe hocha la tête pour approuver le courage d'Alice, que la perspective d'aller observer le meurtre gore d'une femme enchantait très moyennement. Mais qui, pourtant, acceptait.
Le primogène était d'accord avec la jeune femme. La négligence manifestée quand au cadavre devait être une provocation non-camariste.


Le pseudo-enfant examina Thomas sérieusement, conscient de son inquiétude. Mais franchement, à part de sortir de sous une centrale vapeur, il pouvait difficilement être mieux. L'avantage de la torpeur, c'est qu'on ne bougeait pas d'un poil, et qu'on ne se réveillait donc ni chiffonné, ni avec l'empreinte de l'oreiller en travers du visage ni avec les cheveux en vrac.

"Tu es largement assez élégant pour te présenter sans honte."


Lorsqu'Alice confirma son doute quand à Charles, il grommela entre ses dents. Une fois cette exaspération exprimée, modestement, certes, il reprit.

"Bon, désormais, c'est moi qui vais veiller sur toi.
C'est bien que tu soies souvent au Louvre, mais je préfère être prudent."

S'apercevoir d'un problème quelques heures après un manquement à l'appel restait préférable à un flou artistique.

"Est-ce que vous pourrez m'aider à acheter un téléphone portable ? Hier, c'était un prêt. Mais j'aimerais mieux en avoir un à moi."


Philippe ne comprit pas très bien à quoi pensait Alice quand à Tatiana. Elle hantait Rosie ? Mais dans ce cas, comment l'appeler ? A travers la toile ? Il n'avait jamais appelé de fantôme, et la toile lui restait très étrangère... Mais il serait bien temps d'y réfléchir quand ils s'y mettraient. Ce n'était pas la priorité.


"Oui, viens avec nous.
Je n'ai pas parlé de ton don à la réunion, tu pourras l'annoncer au Prince si tu veux."

Il s'était tu principalement à cause de la présence du primogène Gangrel, dans lequel il n'avait aucune confiance. Mais ce soir, devant le Prince et quelques goules, ce serait plus discret.
Le fait qu'Alice soit officiellement un prophétesse risquait de ne pas faciliter les choses, mais après tout, pourquoi pas... Cela lui attirerait sans doute autant d'ennuis que d'amis,et cela pouvait s'avérer intéressant.


Il rédigea rapidement un petit mot indiquant qu'ils se trouvaient à la salle du trône sur un post-il et invita les deux jeunes à sortir.
Alors qu'ils quittaient la pièce, Philippe précisa à Thomas.

"J'ai dit au prince que ton sire s'était fait tuer, et il souhaite t'interroger à ce sujet, en tant que prévôt.
Le prévôt, qu'on appelle aussi préfet, est un peu le chef de la police, au sein de la famille."

Le pseudo-enfant colla le mot sur la porte avant de la fermer à clef, et continua :

"J'ai discuté de cela avec un collègue primogène, et nous avons émis quelques hypothèses. Il semble que ton sire ait été un camariste, et le fait qu'il ait gardé l'anonymat semble suggérer qu'il enquêtait discrètement sur quelque chose. Nous avons aussi supposé que, s'il t'a étreint, c'était dans l'idée de requérir ton aide dans son enquête, ou alors de te la transmettre.
C'est pour cela qu'il est possible que les deux femmes qui ont exécuté ton sire décident de se lancer après toi."

D'un pas souple, Philippe prit la tête du trio.

Thomas avait l'air de prendre son problème au sérieux, ce qui était une bonne chose.

Le presque cassage de figure d'Alice en chemin le fit sourire, mais il le dissimula, pour ne pas dépiter la jeune femme.
Elle était inhabituellement silencieuse, peut-être "couvait-elle" une nouvelle vision...


Vers la salle du trône

Depuis la salle du trône

L'entrevue n'avait pas été si longue que cela, et personne n'attendait dans le couloir.
C'était à la fois bien, et à la fois ennuyeux, car il aurait été bien que la réunion ne commence pas à pas d'heure, histoire d'en finir avant l'aube, pour une fois.

Philippe récupéra le mot collé sur la porte, et rouvrit pour que tout le monde rentre. Il regagna son bureau pour se jucher sur l'accoudoir du fauteuil, et eut un léger sourire à l'adresse de Thomas.

"Bon, ça s'est plutôt bien passé."

C'était une boutade destinée à remonter le moral du nouveau-né, car de son point de vue, Parménion avait été bien plus sévère qu'il ne l'avait laissé présager la veille.

Il regarda l'heure sur le téléphone portable posé sur son bureau, et descendit de son fauteuil pour rejoindre les deux jeunes.

"Alice, est-ce que ça t'ennuierait de contacter les quatre manquants, pour voir s'ils comptent venir ? Je vais regarder comment tu fais, histoire de mieux me débrouiller. Je ne vous raconte pas le temps que ça m'a pris hier d'envoyer un bête sms..."

Il se rapprocha de la jeune femme, pour mieux observer ce qu'elle ferait, histoire de le reproduire ensuite.
A Thomas, il précisa :

"Si tu as des questions, profites-en, en attendant qu'ils arrivent."

[Depuis la salle du trône]

Thomas avait suivit. A mi chemin entre cet état qui succèdent les émotions fortes et un profond état d'incompréhension mélé à une tentative acharnée, mais infructueuse, de compréhension. Il émergea de cet état zombie à la "blague" de son primogène qui lui tira un sourire mi-forcé mi-soulagé. En aucun cas amusé.



Le néonate finit par se laisser choir dans un fauteuil proche de celui de son primogène et lorsqu'il l'invita à poser des questions, une lueur s'éclaira dans son regard. Il braque ses pupilles sur celles de Philippe, toujours trop matûre pour l'âge apparent de son enveloppe et prit une profonde inspiration, tâchant de mettre de coté ses inquiétudes, soulagements, hésitations.


D'abord, merci.



Ensuite, oui, j'ai des questions. Quelques unes ... Plusieurs ... Non, en fait j'en ai vraiment beaucoup.

Le médecin eut un regard un peu désolé de ce qui allait suivre mais il avait atteint son quota de progression sans compréhension et malgré tout ses efforts, et il n'était pourtant pas idiot, certaines réponses lui échappaient, et de loin.


A quoi faisait allusion le Prince en parlant de m'imposer quelque chose ?

Est il courant de transporter un vampire dans une boite ?

Les pieux sont ils mortels ?

Que voulait dire ce A sur le front de ce vampire ?

Pourquoi le comportement du "livreur" était il si étrange ? On eut dit qu'il était mécanique, tel un automate.


Thomas marqua une pause. Conscient que cela faisait déjà un paquet de questions, mais nul besoin de lire dans ses pensées pour voir que l'incompréhension commencait à l'agacer sérieusement. Il n'était pas homme à se contenter d'observer sans savoir quoi que ce soit. Aussi attendit il la réaction de Philippe, un peu inquiet au fond, de savoir si l'expression de sa curiosité ne risquait pas d'agacer l'enfant.

Philippe nota mentalement le protocole d'envoi groupé qu'Alice lui montrait gentiment.
Il y avait une logique, comme sur les ordinateurs. Ce n'était juste pas évident pour lui de deviner laquelle, pour l'instant.
Il fit comme la jeune femme lui indiquait, et eut la satisfaction de voir que l'appareil annonçait docilement des envois.

"Merci Alice."

Thomas avait bien entendu des vides à combler, mais son débit montrait à quel point il se sentait perdu.
Certaines de ses questions exigeraient qu'il lui explique des bases plus fondamentales. Il espéra qu'Alice ne s'ennuierait pas trop, car elle devait déjà savoir tout ce qu'il allait répondre...
Il se repassa les questions dans l'ordre, songeant aux choses à dire, et aux digressions nécessaires. Puis il les reclassa dans un ordre plus logique pour lui et commença à répondre.
Ce faisant, il grimpa sur le devant du bureau et s'assit, les jambes dans le vide, les mains posées sur le bois lustré, un peu penché en avant.

"Un vampire étant biologiquement déjà mort, si son coeur est transpercé par un objet pointu, ça ne le tue pas plus que ça. Il est juste paralysé, mais reste conscient. Bien entendu, c'est douloureux, mais dès que l'objet est retiré, il peut se mouvoir à nouveau, et se guérir rapidement.
Je n'ai pas d'explication médicale à cette paralysie. Je suppose que cette réaction vient plus d'une origine symbolique que rationnelle. Mais je n'ai jamais étudié le phénomène de près non plus."

Il avait fait pas mal de tests sur lui-même, notamment pour voir l'effet de certains produits sur l'organisme vampirique, mais le pieu, ça n'avait pas été possible.

"Je suppose que le primogène Gangrel a été transporté dans une boite pour plus de discrétion. Trimballer un gars qui parait mort à travers la ville pourrait faire jaser.
Le livreur t'a paru étrange car son esprit était sous la coupe d'un vampire. Il suivait un ordre implanté dans son cerveau. Ta comparaison avec un automate est excellente. C'est un peu ce qu'il se passe, finalement.
Tu auras noté que Parménion l'a regardé dans les yeux, et qu'il a changé d'attitude à ce moment. Ce qui veut dire que le prince l'a probablement soit libéré soit contrôlé à son tour.
La Domination est l'un des dons surnaturels dont certains vampires peuvent faire usage. Imagines les hypnotiseurs de music-hall, mais dans le cas où ça marcherait réellement. Ce pouvoir s'attaque à la volonté, et à la mémoire."

Une digression sur les disciplines pouvait prendre une bonne partie de la nuit, aussi, il passa à la question suivante.

"Un grand nombre de vampires font partie d'une secte, la Camarilla. Elle se base sur six traditions, rassemble officiellement sept clans sur treize, et maintient la Mascarade.
Je te détaillerai ça, car c'est le B-A BA de ce qu'un néonate doit savoir.
La Camarilla s'oppose à une autre secte, le Sabbat. On dit que le Sabbat a été créé par certains des jeunes qui rejetaient les lois imposées par les plus anciens, lors de la fondation de la Camarilla. D'où le A de anarchie. Au Sabbat, ils suivent une sorte de Mascarade eux aussi, vis à vis des humains, mais ont des règles internes différentes, basées sur la loi du plus fort...
Les 18eme et 19eme arrondissements sont actuellement leur domaine, et tout camariste qui y mettrait les pieds n'aurait pas forcément la chance, comme Ahuizotl, de revenir en un seul morceau.
Donc, la brûlure sur le front du primogène Gangrel n'est pas destinée à le faire ressembler au Jaffa moyen, c'est à la fois une torture, et à la fois une signature.
Ou alors une adresse, car le prince fait partie du clan Brujah, et que le symbole qui les désigne généralement est un A de anarchie à l'envers. On va dire que ça dépend du sens de l'humour et de l'érudition de l'expéditeur."

Il avait écouté les pensées des rares sabbatiques qu'il avait croisés, mais ils ne devaient pas être haut placés, car il n'avait pas appris grand-chose d'intéressant sur les buts de leur secte.
Il laissa un blanc à dessin, pour que Thomas ait le temps de digérer tout ce qu'il venait de dire.
Puis il aborda la question du sang.

"Tu as dû remarquer que le sang n'est pas seulement l'aliment des vampires, c'est aussi la source de leur puissance. On se régénère, on améliore ses capacités physiques, on se fait passer pour un humain, on déclenche des pouvoirs surnaturels et on transforme un humain en vampire avec du sang.
Le pouvoir sans doute le plus terrible, c'est ce qu'on appelle le lien de sang.
Quiconque boit le sang d'un vampire une fois est imprégné de ce dernier. Il pensera à lui de temps en temps, pourra rêver de lui, et éprouvera à son égard un intérêt et des émotions assez fortes.
La deuxième fois, l'influence va se renforcer, ça va devenir un peu obsessionnel, et il sera très difficile de ne pas tenir compte des désirs de celui qui hante tes pensées.
La troisième fois, le lien de sang est bouclé. Celui qui a bu devient l'adorateur absolu de l'autre, qu'on appelle un régnant, et pas pour rien. C'est un mélange d'amour et d'obsession pratiquement impossible à annuler, qui crée des serviteurs fanatiques, des infants soumis et des alliés fiables. En somme, des esclaves inaliénables.
Tu étais lié au premier degré avec ton sire, car lors de ton étreinte, c'est son sang qui t'a ranimé.
De fait, le prince me proposait de constituer avec toi ce même lien qui unit un sire et son infant."

L'idée de l'emballait pas, aussi, il ne rajouta rien.
De toute façon, Thomas n'allait pas manquer de poser d'autres questions...

Thomas était silencieux. Très silencieux. Il tachait de ne rien manquer. Les questions avaient leur réponse et à mesure de nouvelles questions surgissaient. Lui qui avait un esprit si cartésien avait le plus grand mal à admettre, au fond de lui, ce que lui racontait Philippe. Pouvoirs surnaturels, rapport au sang, toute cette  Histoire parallèle à celle de l'Humanité ... Et pourtant, il avait déjà observé des choses étranges, bizarres et avait toujours été convaincu que la mort et la vie humaines n'étaient que peu de choses dans l'univers. Mais entre être philosophiquement convaincu de l'existence du surnaturel en tant que réalité et le fait d'y être confronté le nez en premier ... Il y avait un petit gouffre. Et ce petit gouffre taquinait la tranquillité d'esprit apparente de Thomas.



Son regard, partit quelque peu en divagations revint au bout de quelques secondes sur Philippe. Au passage il releva qu'Alice n'était plus là. Deux possibilités existaient alors : il était trop concentré dans ses pensées pour voir qu'elle sortait ou bien, elle pouvait se téléporter. Le médecin commençait à croire que tout était possible, même ce qu'il aurait considéré avant comme de la folie pure. Au final, où se situait la limite entre Raison et Folie ? Y en avait il seulement une ?



Son regard à nouveau accroché à celui de Philippe, Thomas ouvrit enfin à nouveau la bouche.


Je pense que mon Sire m'a parlé de certaines traditions mais sans évoquer ce terme précisément, ni qu'elles étaient au nombre de 6. Mais si tu as utilisé le futur c'est que tu préfèrerais que l'on en discute plus tard.



Tu as mentionné plusieurs fois des capacités surnaturelles ... Tu m'as déjà parlé de tes .. compétences en télépathie ... Alice a des visions ... Je ne sais toujours pas si je possède de telles capacités ni comment les développer. 


Concernant les limites de notre immortalité ... Si j'en crois mes sources ... En gros, la littérature traitant de vampires, mieux vaut ne pas perdre la tête, ni prendre un bain de soleil, ni manger trop d'ail, ni prendre  une douche d'eau bénite, ni se prendre pour la Torche Humaine ... Y'a-t-il des choses qu'il vaut mieux que je sache à ce propos ?


Le néonate marqua une pause après cette note d'humour puis reprit plus sérieusement.

Concernant ce lien de sang ... C'est une décision qui t'appartient. Je ne pense pas qu'il soit dans les prérogatives d'un nouveau né de dicter sa conduite à un aîné. Encore moins dans celles d'un Infant de donner des directives à son Sire. 

Thomas eut un léger sourire. Il se tut. "Qui ne dit mot consent" dit l'adage ...

Spoiler:

Philippe hocha la tête à la promesse d'Alice, et suivit de ses yeux pâles son départ. Elle avait déjà entendu tout ça, bien sûr, et cela devait l'assommer d'avoir une redite.
En tout cas, lui, ça l'assomerait de devoir réentendre tout ce qu'il était en train de dire.
Malheureusement, le fait de nier l'existence des vampires revenait à transmettre le savoir exclusivement d'individu à individu. Sinon, il aurait rédigé un truc vite fait, histoire d'éviter les cours magistraux...
Il pouvait bien entendu faire un effort pour Thomas, mais à l'idée qu'il lui faudrait sans doute répéter tout ça à Hadrien et Lucas, il se sentait déprimé...

"Puisque la seule personne que ça pourrait ennuyer est partie, je peux te détailler les traditions. Même si ton sire t'en a déjà apparemment parlé.
Plus tôt tu sauras ça, et mieux ce sera. C'est gavant, mais c'est la base de la Camarilla. C'est ce qui a permis à des personnes égoïstes et sans scrupule de vivre en société et de maintenir un énorme secret avec une certaine efficacité.

La première tradition est la plus importante de toutes. Elle concerne la Mascarade.
Tu ne dois pas révéler ta vraie nature à ceux qui ne sont pas de notre Sang. Le faire c’est renoncer à ton droit d’être du Sang.
En gros, si tu brises la Mascarade, tu vas dérouiller.
Tu te doutes que si les mortels apprenaient qu'un tas de parasites surnaturels existent, ça génèrerait une guerre. Où il y aurait de lourdes pertes de chaque côté. Les anciens qui ont connu la joyeuse époque de l'inquisition n'ont pas mis cette tradition en premier pour rien.
Toutes les autres traditions découlent de celle-ci : faire profil bas. Donc, ne pas proliférer, ni se chercher des noises.

La deuxième tradition concerne le Domaine.
Ton Domaine ne concerne que toi seul. Tous les autres te doivent le respect quand ils sont sur ton Domaine. Personne ne peut mettre en doute ta parole sur ton Domaine.
La loi est vieille et maintenant, elle souligne juste que tous doivent le respect au prince, ou au dirigeant local qu'il aura nommé.

La troisième tradition concerne la Progéniture.
Tu n’engendreras un Descendant qu’avec la permission de ton Prince. Si jamais tu désobéissais toi et ta Progéniture seriez mis à mort.
C'est sévère, mais quand tu imagines à quel point c'est facile de créer un nouveau vampire, on pourrait proliférer à la vitesse d'un virus. Et là, hop, la première tradition volerait en éclats.
Pareillement, si tu désires une goule, il faut en demander l'autorisation au prince.

La quatrième tradition est dans la continuité de la troisième. C'est la Responsabilité.
Tous ceux que tu crées sont tes Infants. Tant qu’ils n’ont pas été présentés tu en es le seul responsable. Leurs fautes sont tiennes à endurer.
Celle-là c'est pour s'assurer que le sire va réfléchir avant d'étreindre le premier trisomique qui passe.
Lorsque le sire estime que son infant est assez éduqué pour vivre seul, il le présente à nouveau. Parfois il y a une interro orale, parfois non. Et après ça, il devient un néonate, c'est à dire, un caïnite à part entière.

La cinquième tradition va de pair avec la deuxième. C'est l'Hospitalité.
Respecte le Domaine de l’autre. Quand tu arrives en Domaine étranger présentes toi toujours à celui qui règne sur ce Domaine. Tant qu’il ne t’a pas accepté tu n’es rien.
En temps de guerre, ou de tension, il vaut mieux se plier à cette tradition à la vitesse de l'éclair, et montrer patte blanche. Parce que l'euphémisme : "tu n'es rien" peut vite se résumer au fait d'être réduit à rien.

La dernière tradition concerne la Destruction.
Il t’est interdit de détruire un Frère du Sang. Le droit de Destruction n’appartient qu’à ton Ancien. Seul le plus vieux parmi vous peut demander une Chasse de Sang.
On ne s'assassine pas les uns les autres. Je sais, ça parait bête, mais vu la nature des caïnites, ça valait la peine de le mettre noir sur blanc... "

Il avait fini, et laissa du temps à Thomas pour classer les fichiers dans les boites de sa mémoire.
En les récitant, il s'était aperçu que, globalement, Lila et lui avaient enfreint absolument toutes les traditions, sauf la première.
Plutôt que de sourire sottement à cette idée, il préféra reprendre.

"Normalement, ton sang devrait t'apporter des capacités. On appelle ça des disciplines. Chaque clan a les siennes, qui sont fonction de leur ancêtre.
Les descendants de Malkav peuvent faire montre d'une acuité hors du commun. C'est l'augure, ou l'auspex. La première manifestation consiste à percevoir des choses qu'un humain ne pourrait pas. Détecter des odeurs presque aussi finement qu'un chien, entendre un murmure à travers une porte... Jusqu'à pouvoir devenir une sorte de fantôme temporaire.
Le clan de la lune dispose aussi du pouvoir de se cacher. C'est appelé la dissimulation, ou l'occultation. La première manifestation est tout simplement de se planter dans un coin peu éclairé, sans bouger. Celui qui te cherche pourra passer cent fois devant toi, il ne te verra pas. Cela va jusqu'à l'invisibilité totale pour un groupe.
La dernière discipline naturelle aux malkavians, c'est l'aliénation. C'est la plus étrange. Il s'agit de révéler, dans l'esprit humain, la part de folie qui dort. La première manifestation permet d'exciter ou éteindre une émotion chez quelqu'un, la dernière rend la cible complètement barjot.
Toutes ces disciplines sont du domaine du mental. Car la dissimulation ne te rend pas invisible du tout. Elle fait croire aux gens que tu l'es, ce n'est pas pareil. Une caméra s'en contrefichera.
Tu peux t'entrainer en essayant d'utiliser ton sang, comme tu l'as fait pour faire semblant d'être vivant à l'Antichambre, mais en visant un effet particulier.
Je suppose que tu dois pouvoir te cacher, sinon, les deux furies t'auraient sans doute poursuivi, tu ne crois pas ?"

Il voyait mal deux tueuses capables d'arracher la tête d'un gars laisser son nouveau-né filer sous leur nez sans réagir... Hors, si elles n'étaient pas venues sonner à sa porte dans les jours qui avaient suivi, c'était parce qu'elles n'avaient pas dû pouvoir le suivre.

Les questions sur les causes de mortalité étaient plutôt marrantes venant de la part d'un légiste. Et posées avec humour. Aussi, Philippe répondit volontiers.

"L'eau bénite et l'ail, ça, c'est de la légende. Le feu, le soleil et le découpage en rondelles, par contre, ça peut être léthal. Les crocs des caïnites, les griffes des Gangrels ou des loups-garous, pareil.
Pour le reste, de façon générale, je te conseille de rester prudent. On se dit immortel, mais ça garde d'étroites limites, comme tu sais..."

A la mention du lien de sang, Philippe resta silencieux et tapota le bureau avec l'ongle de son index droit. Deux fois. C'est dire à quel point il était troublé.
Un peu plus et il clignerait des yeux...
Il garda un ton aussi doux et calme pour parler que celui qu'il avait depuis le début de la soirée. Il voyait que les propos du novice tenaient plus à du : "comme tu veux" qu'à du : "oui, maître !". Mais il voulait que les choses soient claires.

"En tant qu'infant, Thomas, je n'attends pas de toi que tu te montres soumis. Tu peux donner ton avis.
En fait, non. Je veux que tu me donnes ton avis. Que tu poses des questions, que tu prennes des initiatives. Si tu es content, dis-le. Si tu n'es pas content, pareil.
Tu as besoin d'apprendre, et je sais des choses, mais ça ne fait pas de moi ton maître en tout. Tu n'as pas à me dicter ma conduite, c'est vrai. Mais moi non plus. Tu es une personne intelligente, tu n'as pas besoin d'être mené comme un enfant.
Te faire boire mon sang va modifier ton esprit définitivement, ce n'est pas anodin, et j'estime que tu as ton mot à dire."

En tout cas, si Lila lui avait laissé le choix, il lui aurait aimablement présenté sa main en lui demandant de choisir un doigt... Ou l'équivalent de, car il était bien plus poli à l'époque.

[Venant de là]

Le comportement de son frère aurait presque pu le faire rire s'il n'avait pas trouvé ça un peu navrant. Lucas ne pouvait pas s'imaginer passer son éternité en évitant toutes les femmes qu'il aurait pu croiser. Un sourire prit place sur ses lèvres en pensant à sa façon de chasser et effectivement il ne se voyait pas enlever la gent féminine de son répertoire alimentaire.
Il inclina la tête au remerciement de son frère et hésita à formuler une réponse. Il tourna légèrement son regard vers Hadrien pour le fixer quelques secondes et se lança.

" Tu sais Had, parfois poser des questions ne sert pas à grand-chose. Là, tu as besoin de moi, je vois pas pourquoi je te demanderais le pourquoi du comment...j'ai compris...ta peur, et en connaître la cause ni changera rien. "

Il jaugea la réaction de Hadrien et lui laissa le temps de se faire à l'idée, avant de reprendre.

" Tu crois pas ? "

Le sujet suivant le fit se rembrunir, il espérait que son frère comprendrait que côtoyer des gens comme Jean pouvait...être dangereux. Lucas ne savait pas exactement ce que Jean voulait à Hadrien, mais il tiendrait le couple improbable à l’œil. Voir même il prendrait des renseignements sur l'autre énergumène...tient !! Ça c'était une bonne idée !! La carte dans sa poche lui servirait peut-être finalement....sujet à réfléchir et à creuser.

" Fait attention Had, reste sur tes gardes.... "

Ne voyant pas quoi dire d'autre, il lui lança un regard plus éloquent qu'un long discours et continua son chemin. La question suivante le prit par surprise, il avait oublié que Hadrien pouvait se montrer plus curieux que nécessaire. Il attendit d'avoir passé le poste de garde pour répondre en toute franchise.

" Ça m'a juste surpris. La prochaine fois, s'il y a, je pense que j'encaisserais un peu mieux...et pour hier je suis désolé... C'est juste que dans la logique, on ne saute pas sur les gens en tendant ses mains vers son cou...même pour refaire un nœud de cravate... "

Lucas émit un rire sans joie et balaya le sujet d'un mouvement de main en frappant à la porte du bureau. Quelques secondes plus tard, il poussa le battant et entra dans la pièce où se trouvait déjà Philippe et Thomas. Il s'inclina poliment devant les autres et pris place dans un des fauteuils.

De retour du café

Liel lui expliqua pourquoi il ne posait pas de question. Et Hadrien écouta attentivement.

« C'est sûr que ... En posant des questions, c'est pas ça qui va me faire oublier ma peur ... Bien au contraire ...Mais je te remercie quand même ... d'être compréhensif ... »

Puis la conversation enchaîna sur Jean. Et on lui répéta encore de faire attention à lui. Hadrien comprenait que trainer avec quelqu'un sur lequel il ne possédait aucune information n'était pas la chose la plus judicieuse qu'il ai faite ... Mais il avait l'impression de pouvoir influencer sa vie en choisissant ses connaissances. Il promit encore d'être méfiant quant au intention de Jean.

Ils arrivèrent près du poste de garde où il déposa son couteau et pénétra dans le musée. Avant d 'arriver chez Philippe, il écouta la réponse de son frère. Il lui attrapa délicatement le bras à la fin de sa réponse et lui dit, pendant que ce dernier tapait à la porte du bureau.

« Si tu as des problèmes ... Je peux aussi t'aider, comme tu le fais pour moi ... »

Il laissa Lucas entrer dans la pièce et le suivi, reproduisant lui aussi une légère révérence pour saluer l'assemblée. Quand il se releva, il remarqua qu'il n'y avait que son primogène et Thomas. Hadrien sourit franchement, ses sœurs n'allaient peut-être pas venir ?

Thomas écouta. Il y avait beaucoup à écouter. Son esprit dû faire montre d'agilité pour parvenir à trouver quelques moyens mnémotehniques qui lui permettraient de se souvenir d'un maximum de détails. Son attention fut parfaite lors de l'énumération des Traditions et devint un véritable intérêt lorsque Philippe exposa les disciplines du clan Malkavien. Son primogène semblait ne rien éluder. Cela fit plaisir à Thomas. Rien ne l'agacait plus que de sentir qu'on lui cachait des choses. A la supposition de Philippe concernant ses éventuels dons en dissimulation, le néonate hocha doucement et pensivement la tête. L'argumentaire du pseudo-enfant se tenait. Il se promit d'essayer rapidement de déterminer l'étendue de ses capacités.



A nouveau, Philippe reprit son exposé et Thomas nota mentalement les dangers les plus évidents. Immortalité ... Tout est relatif, dixit Albert Einstein. Le médecin eut un très fin sourire avant de retrouver son sérieux tandis que Philippe donnait des signes, très inhabituels, de tension. Le vampire qui d'habitude semblait mesurer chacun de ses gestes et mouvements avec une extrême minutie laissa le bureau dans un silence religieux, ponctué d'une paire de tapotements. Thomas attendit. Calme et grave. Si son nouveau Sire prenait tant de temps avant de poursuivre c'est que la suite devait mériter au moins autant de concentration que le début de ce cours magistral.

Alors que Philippe s'était lancé, Thomas releva un mot qui lui tira un sourire "enfant". Si le propos n'avait pas été si sérieux, le médecin aurait sans doute poussé l'amusement à un franc sourire. Il prit alors également son temps pour répondre. Il lui fallait peser le pour et le contre. Mais au bout de quelques instants, les choses s'imposèrent à lui sous son crâne et il sut qu'il lui fallait agir avec honnêteté, autant envers son Sire qu'envers son propre esprit. Il ne devait pas présumer de ses capacités ni prendre des décisions qu'il pourrait amèrement regretter.


J'ai réfléchit. Je ne me figure pas l'ampleur de ce que ce lien de sang pourrait provoquer ou changer. Aussi juger si c'est une chose que je souhaite ou non est difficile. Cependant, je suis sûr d'un fait.

Dans mon crâne, poursuivit-il en tapotant sa tempe de son index avec un sourire, pour le moment c'est un peu le fouillis. Mon esprit, entre mon Etreinte et les connaissances qu'il se doit d'emmagasiner rapdiement, n'est pas dans ses meilleurs jours. Raisonnablement, je ne pense pas qu'ajouter une modification supplémentaire maintenant soit une idée judicieuse.


Ca, c'est ce qui est ressortit de mes réflexions. Concernant mon ressentit, je préfère avoir en estime et respecter quelqu'un pour ses qualités, ses mots et ses actes plutôt qu'à cause d'un lien comme celui dont nous parlons. Car au final, après un lien de sang, les sentiments positifs que je pourrais ressentir envers toi, comment saurais je s'ils sont fondés ou illusoires ?


Ma réponse est donc non. Du moins pour l'instant.


Thomas avait parlé ouvertement. Les mots qu'il avait prononcé, Philippe aurait aisément pu les lire en lisant dans ses pensées. Il espérait que cette franchise ne se retournerait pas contre lui. Après un moment de silence, il reprit la parole.

Pourrais tu, prochainement, m'accorder un peu de temps afin de passer aux travaux pratiques ? J'ai un peu peur d'aller chasser seul pour la première fois ... et puis cela pourrait être l'occasion pour moi de tester mes capacités. J'essaierais d'en apprendre plus sur moi-même d'ici là mais s'il pouvait y avoir quelqu'un avec un peu d'expérience dans les environs le jour où je tenterais de rendre fou un humain ... Je serais plus rassuré. Et puis j'aimerais bien éviter de rompre bêtement la Mascarade ...

Et tandis que l'Infant souriait, bien décidé à alléger un peu le ton de la conversation, on frappa à la porte. Par réflexe, Thomas se leva poliment en saluant ses deux frères qui entraient. Il attendit qu'ils se soient assis pour se pencher vers Liel sans brusquerie.


Je voulais m'excuser pour hier. J'ai agit sans réfléchir. Cela ne se reproduira plus, tu as ma parole.

Il avait parlé bas, afin que tout le bureau n'entende pas distinctement ce qu'il disait. C'était une affaire entre Liel et lui mais les évènements ne lui laissaient guère le temps ni l'occasion d'en discuter en privé. Il accompagna ses mots d'un sourire désolé. Une fois l'échange terminé il se redressa.